(libre) jeux d'enfants.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

il fait froid, un froid mordant.
t'as les cuisses et les bras gelés, les poils qui se hérissent,
pourtant t'es là avec ton ballon, seul au monde.
t'aimes pas être seul au monde, ça te fait peur.
y a des familles, des enfants, des amoureux, mais personne pour toi.
personne qui s'intéresse à toi,
sauf peut-être ce gamin qui t'observe dans la pousette, juste là.
la solitude te ronge les entrailles, t'etouffe, t'enchaîne.
t'aurais pu demander à tes meufs de t'accompagner,
mais tu ignores si elles aiment jouer au ballon.
alors t'es là, seul comme un con,
à l'envoyer dans un panier trop haut pour toi,
à l'écouter rebondir sur le carré de goudron.

**DATE D'INSCRIPTION :** 29/12/2014

écharpe jusqu'à la lisière des yeux,
mains au fond des poches de ta veste en jean,
tu marches sans réel but,
sous un soleil d'hiver gelé.
la télévision t'avais assommé,
et le froid extérieur t'as accueilli,
tu espères croiser un visage connu.
personne.
tu déambules,
et finis par t'asseoir en tailleur sur le goudron du terrain de jeux,
observant d'un oeil vide le type qui s'essaye au ballon.
tu glisses ta dernière cigarette entre tes lèvres,
l'allume et te perds dans tes pensées glacées de solitude.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

cette fille qui s'est assise sur le sol derrière toi,
elle est étrange. jolie, mais étrange.
t'aimes bien ça, ça te rassure, t'amuse, te fascine,
les gens fêlés laissent passer la lumière.
- tu voudrais pas jouer avec moi ?
tu demandes, hasardeux, sourire engagent.
elle a l'air aussi seule que toi;
comment cela se fait-il que tu ne la connaisses pas ?
dans un monde aussi petit que le vôtre, tu arrives encore à avoir des surprises.
- fumer, c'est mal.
ça aurait presque l'air crédible, si tu ne t'étais pas assis comme elle,
en tailleur sur le goudron, cigarette aux lèvres, âme ailleurs.

**DATE D'INSCRIPTION :** 29/12/2014

son sourire est beau,
il est beau.
ce type a quelque chose de rassurant.
tu poses un regard insidieux sur lui,
mais finis par lâcher un sourire
entre deux nuages de fumée grise.
je suis plutôt nulle je crois.
dis tu en désignant le ballon du menton.
il s'assois. tu louches sur ta malbo à moitié consumée,
sans avoir quoi répondre tu hausses vaguement les épaules.
mais tu ris doucement, amusée par son mimétisme décrédibilisant.
ha oui, je vois ça..
tu le détailles de haut en bas d'un oeil discret.
bizarrement sa compagnie t'es agréable.
tu attends quelqu'un ?
en général, les gens ne jouent pas seul.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

tu souris encore,
pas mécaniquement non, mais sincèrement.
ils sont rares aujourd'hui les gens qui arrivent à te faire sourire vraiment,
mais la compagnie de cette fille-là a quelque chose de plaisant.
c'est naturel.
les gens ne sont peut-être pas tous morts, ici, finalement.
personne. je joue souvent seul ici. je ne connais plus grand monde dans les environs.
plutôt, plus grand monde ne veut te connaître,
toi qu'on qualifie parfois de courageux,
parfois de traître.
parti du jour au lendemain sans donner de nouvelles,
revenu quelques semaines plus tôt avec une seul idée en tête,
t'enfuir de nouveau.
et toi, qu'est-ce que tu fais là ?
tu la questionnes poliment,
puisqu'elle daigne en faire autant.
mais soudain tu crains qu'elle se méprenne sur le sens de tes mots,
et après avoir soufflé un volute de fumée au dessus de vos têtes,
tu rajoutes dans un murmure :
ne crois pas que ta présence me déplaise, ce n'est pas désagréable d'être seuls ensemble.
nouveau sourire, à croire que tu ne sais faire que ça.
pourtant, tu n'as pas souris depuis longtemps.

**DATE D'INSCRIPTION :** 29/12/2014

tu percutes sur le "plus",
et lève les yeux sur lui.
tu as des choses à raconter,
toi.
tu rabaisses ton regard sur le bitume froid,
tirant sur la fin de ta clope.
sa question, interprétée à grand échelle, te bouscule,
sans mal-entendu non,
mais par ce qu'elle soulevait tout ce que tu avais fuis.
tu ris un peu à sa remarque,
puis tu hausses les épaules, détachée,
décidant de répondre dans un contexte plus réduit.
je m'ennuyais, j'ai fais un tour pour croiser un visage connu. mais personne.
tu fais mine de réfléchir et lâche un sourire.
en même temps je connais pas grand monde.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

cette fille là,
tu n'arrives pas à la cerner.
elle a sûrement des milliers de choses à cacher,
comme toi,
et comme tous les gens qui traînent par là.
- maintenant, tu me connais, moi.
c'est une certitude,
une certitude basée sur rien,
seulement la promesse que tu seras encore là quand elle le voudra,
au cas où son chemin croise encore le tien.
tu écrases ton mégot sur le goudron et fais doucement rouler le ballon,
jusqu'à la jeune femme dont tu ne connais même pas le nom.
- au fait, moi, c'est wes. et toi, c'est quoi ton nom ?
tu l'imagines avec un nom de fleur,
une nom de princesse,
un nom de reine.
derrière son sourire tendre,
elle a des airs sévères,
les airs de ceux qui ont connu la misère.
- l'important ce n'est pas de savoir jouer, mais d'avoir tout fait pour essayer.
ta phrase, elle pourrait s'adapter à n'importe quoi d'autre.
pas juste au basket,
mais à la vie entière.
se battre pour ce que l'on veut,
pour ce que l'on est,
ou ce que l'on aurait pu être.
tu te relèves avec un sourire, lui tend la main.

**DATE D'INSCRIPTION :** 29/12/2014

j'm'appelle Claudie.
tu écrases ton mégot sur le goudron à ton tour.
une brise gelée viens te piquer le visage.
tu t'enfouis derrière ton écharpe,
et enfonce les mains au fin fond de tes poches.
tu regardes le ballon d'un air méfiant.
puis tes yeux jouent une valse entre la boule orange,
et lui qui te tend la main,
là debout devant toi.
tu finis par l'attraper pour te soulever.
sa main est étrangement chaude par rapport à la tienne.
je suis joueuse. en euh... 5 paniers ! je marque là
dis tu en pointant du doigt la panier le plus proche de vous
et toi là bas !
même si tu es persuadé de te prendre la raclée de ta vie.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

- claudie. j'aime bien, claudie.
encore une fois,
la dixième,
la centième,
ou la millième peut-être,
tu souris.
- c'est toi l'chef.
t'es ravi qu'elle joue le jeu,
qu'elle t'arrache à ton après-midi ennuyeux.
fair play,
enjoué,
tu lui laisses le ballon rond.
- commence, claudie.
son prénom,
tu le trouves définitivement joli.
doucement tu t'élances à sa poursuite,
sur les quelques mètres qui vous séparent du panier,
et tu n'as aucun mal à l'intercepter.
tu peux pas tout gagner,
sinon elle va s'ennuyer.
tu lui rends le ballon,
comme un gentil garçon.
- t'es pas trop nulle, ça pourrait être pire.
tu glisses tes doigts sur ta joue,
effleures ta barbe de deux jours,
rattrape la balle,
et la fait tourner sur ton doigt.
- si t'aimes pas jouer au basket, tu joues à quoi ?

**DATE D'INSCRIPTION :** 29/12/2014

tu t'y essayes, mais il faut avouer,
que c'est pas franchement ton truc
le ballon rond.
le rebond résonne sur le goudron,
mais tu te fais rattraper rapidement.
tu affiches une moue boudeuse,
dévisageant la boule orange comme pour lui demander
pourquoi elle t'abandonne si facilement ?
tu hausses les épaules.
à la balade ou à la musique
tu marches, tu déambules
ou tu écoutes et tu fredonnes.
mais je crois que j'aimerais bien un peu d'adrénaline parfois.
tu te surprends à imaginer des sauts vertigineux dans une rivière gelée,
des descentes rapides sur un deux roues miteux,
des escalades dangereuses dans des sapins immenses.

**DATE D'INSCRIPTION :** 30/12/2014

tu lui rends la balle,
parce que tu te sens un peu gêné
de toujours gagner et la récupérer aussi aisément
alors que claudie a accepté de jouer avec toi aussi gentiment.
tu chantes ?
la musique,
forcément,
ça fait écho en toi.
tu vis grâce à ça.
la musique est ta seule chance de survie,
le plus grand répit.
mon père disait que c'est idiot la musique, mais je crois surtout que c'était lui l'idiot.
je ne sais pas pourquoi je lui raconte ça,
et me contente de hausser les épaules.
je laisse claudie gagner,
la suit des yeux avec un sourire amusé.
si un jour tu te décides à vivre dangereusement je t'accompagnerai, sauter à l'élastique depuis un pont, c'est un jeu d'enfant.
je fais un peu le malin
(comme tout garçon qui se respecte devant une jolie fille)
mais je n'ai jamais sauté à l'élastique.
je suis même sûr que je serais terrifié.
plutôt mourir que de l'avouer.
enfin à la télé, ça n'a pas l'air bien compliqué.
quand même,
c'est mieux d'avouer.
je ris un peu en me rasseyant par terre pour m'en griller une autre.

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