éphémère éternité.

**DATE D'INSCRIPTION :** 02/02/2015

YSELIA KURKOVA

- ton cœur balance plus vers la ville ou la campagne ?
tu es l’herbe qui se mêle à tes cheveux quand tu t’allonges dans un champ,
avec pour seul spectacle le soleil étincelant.
tu es le silence immaculé et vaste d’un paysage,
et le vent qui caresse pendant des heures ton visage.
ailleurs il peut y avoir du béton,
du bruit,
de la pollution,
des voitures,
des camions,
des parkings,
des bancs,
et des magasins aux noms mirobolants,
mais rien ne vaut la campagne,
qui reste aujourd’hui ta plus fidèle compagne.

- il t'arrive d'aller te balader dans cette forêt mystérieuse ?
la forêt tu la parcours quand tu t’ennuies,
quand tu es triste,
quand tu es heureuse,
quand tu as peur,
quand tu pleures.
tu la visites même la nuit,
dans tes songes les plus enfouis.
la forêt est une partie de ton âme,
le refuge de tes drames,
et pourtant ton père te dit « non ma chérie, ce n’est pas très sûr pour une dame »,
mais tu t’en moques,
tu préfères ça que déambuler sur le macadam.

ta vie, tu peux la résumer à quatre personnes,
quatre pauvres âmes égarées :
tes deux papas, ton autre-toi, et ben.
ben, le fils du mec de ton père,
qui n’a pas jugé bon de vouloir jouer au frère.
ben que tu poursuivrais à l’autre bout du monde s’il le fallait,
qui représente une perfection que tu désires égaler.
mais ben n’aime pas ici, n’aime pas la forêt, n’aime pas la vie que son père lui a imposé,
et il n’arrête pas de te provoquer, te rejeter et te repousser.

tu n’es pas souvent malheureuse.
tu ne l’es même peut-être jamais.
faut dire que t’as pas grand-chose à regretter.
a vingt ans, ta vie ne fait que commencer.
peut-être que tu aurais aimé dire au revoir à ta mère quand ton père l’a quittée,
lui dire que tu es désolée qu’il préfère les hommes,
et qu’elle restera toujours ta mère, ton héroïne, ton meilleur pilier.
lui dire « t’inquiète pas pour moi, je suis une grande fille maintenant,
et toi ne souffre pas trop, ça va aller en s’arrangeant. »
ce jour-là, quand elle t’a tourné le dos et que ses talons ont claqué sur
le sol de la maison,
c’est le dernier où tu as pleuré.
tu espères que d’autres souvenirs de toi, des souvenirs plus joyeux, l’ont accompagnée.

t’es pas quelqu’un d’exceptionnel,
t’as rien fait pour te démarquer,
ni pour avoir l’air sensationnelle.
le matin tu bois le café,
tu files à la faculté,
et puis à midi tu manges tous les jours le même sandwich au poulet,
t’obtiens des résultats convenables,
tes histoires d’amour sont un échec lamentable,
t’as vraiment pas de quoi te vanter.
pourtant ta vie,
elle te plaît.
tu comprends pas qu’on puisse passer son existence à pleurer,
a souffrir,
a tout gâcher,
alors qu’on peut être maître de sa destinée.

alaska, justine, dix-neuf piges, re. éphémère éternité. 601421895