Sujet: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Mer 4 Fév - 20:12
HYPPOLITE DE LEUZE
- ton cœur balance plus vers la ville ou la campagne ? T'es un enfant d'la rue, du bitume et de la brique. Quand t'as peur, c'est l'macadam qui te prend dans ses bras pour te serrer fort, assez fort pour te faire disparaître. La ville, c'est l'seul endroit dans le monde tout entier où il peut faire jour la nuit, nuit le jour. T'es l'enfant brisé d'une foule grouillante, agitée, qu'a d'puis bien trop longtemps oublié d'jeter sur toi un regard. Du coup t'as disparu, mais pourtant t'es là quand même. Tu rodes comme un fantôme d'enfant, un fantôme d'enfant poète qu'a rien d'plus à dire que c'que son cœur veut bien cracher. Allez va, marche, cours vole, au pire tu t'écraseras, et en bas, y'aura l'béton pour t'rattraper dans un joli carnage peint de sang et de rêves. - il t'arrive d'aller te balader dans cette forêt mystérieuse ? Pas souvent, t'aimes pas l'endroit faut dire. C'est la peur, la peur toujours, la peur de t'perdre et détour d'un ou deux arbres trop grands, bien plus grands qu'toi, bien plus grands que tes mots minuscules. Alors tu t'as plus tendance à t'oublier, à salir le gris des trottoirs, tes deux mains au chaud dans tes poches. Y'a quoi à foutre dans une forêt à part cueillir des champignons ? Doué comme t'es tu pourrais que t'empoisonner.
T'as su que t'étais un adulte le jour où t'as découvert qu'on pouvait pas aller au pied d'un arc en ciel. T'as pas aimé la sensation, pas vraiment, nan.
***
T'as pas aimé donc t'as dit nan. Maman elle a dit psychologue et elle a dit psychanalyste et elle a dit psychiatre. Et tous ces psys ils ont répondu syndrome de Peter, et toi t'étais tout content, parce que c'était comme Peter Pan donc t'as cru que t'allais pouvoir voler.
***
Je chante encore les invisibles quand ma passion est mise à nue. Je chante encore les invincibles au détour d’une lumière perdue.
Que l’homme soit en toi ou que tu sois en l’homme, l’image est la même. Il faut se faire pardonner par celui qui est déjà mort. Et quoi de mieux pour cela que de le faire revivre ? Les tripes à ressortir pour les montrer au peuple assis, au peuple à tes pieds. Qu’ils sont beaux, ces gamins ébahis, dans l’ombre de ton art. Et ta fierté à les voir si beaux. C’est peut-être grâce à toi ou à tes autres toi. Mais après tout, ici, vous n’êtes qu’un. Vous êtes tous des morts : de ces pantins sans fil qui se contrôlent eux-mêmes. Tu veux rire et puis sourire et puis pleurer d’un coup. Offre de tes organes. Les boyaux en bandoulière, les poumons au bord des lèvres, le cœur dans les mains des enfants. C’est trop tard pour arrêter comme c’est trop tôt pour un dernier souffle : c’est l’heure de vivre. J’offre à mes bras ce frisson trop connu d’un souvenir nouveau. Tu es grand en moi, caractère insensé de quelque instant seulement. Je me recroqueville pour te laisser passer : prends la place qu’il te faut. Tu es le maître du moment ; tu es le dieu fou du lieu. C’est pour toi que nous sommes là. Comme de nouvelles obsèques mieux réussies que les précédentes. Je t’offre le repos éternel : tu vivras éternellement en moi désormais. Quand je parlerai de toi, ce sera comme d’un ami trop vite parti, d’un homme disparu mais toujours joliment en vie sous ma peau. Je t’offre avec grâce mon moi comme logis. A l’intérieur, d’autres déjà-morts t’attendent, impatients de découvrir leur nouveau camarade, un autre compagnon. Vous marcherez ensemble au rythme de mes pas : nous marcherons ensemble. Viens, approche, n’aie pas peur. Viens, je suis toi et tu es moi et nous sommes un et nous sommes aussi les autres ; ces autres qui sont nous. Prends ma main. On se donne au public quand le rideau retombe. Tu as vécu pour moi, merci.
Je danse encore les incompris quand mon silence est dépouillé. Je danse encore les mal finis au détour d’une vie rallumée.
C’était une belle représentation.
***
Tu te souviens de la souffrance, une souffrance terrible, mais c’est tout, et il n’y a plus personne, maintenant, pour t’en parler. Juste toi pour tenter d’imaginer. Et puis ce trou, dans la terre, et maman qui te dit que papa va dormir un peu ici, sûrement assez longtemps, et qu’il faut avancer sans lui, que peut-être il vous rattrapera un jour. Tu hoches la tête. Tu ne sais pas pourquoi papa dors sous la terre, mais tu trouves ça rigolo. Dans les jours qui suivent, tu lui en veux un peu, parce que toi aussi, tu aurais bien aimé dormir un peu, et tu aurais voulu qu’il te propose de jouer avec lui à dormir dans le sable. Et puis un jour, tu arrêtes de lui en vouloir. Tu arrêtes de lui en vouloir parce que tu comprends. Tu comprends le jour où maman choisi elle aussi de se mettre à dormir. C’est comme dans les films de monsieur Eisenstein que vous regardiez dans le canapé du salon, quand tu étais tout môme, avec ces gens de la vie de tous les jours qui se faisaient tirer dessus par les gens au fusil et qui ne voulaient plus se relever après. Tu comprends que papa et maman, ils ne se relèveront plus. En plus de ta mère qui meurt à tes pieds, tu perds ton père car tu réalises qu’il ne te rejoindra jamais, lui non plus, et qu’il n’y a que toi qui peux choisir de les retrouver un jour. Tu continues ta route sur des chemins de terre.
***
Tu sors la machine à écrire de ton sac. Un modèle assez petit, dans un parfait état. Tu t’assois à même le sol et tu la poses sur tes genoux. Sur une feuille, de ton écriture maladroite, dans une langue que tu ne maitrises qu’approximativement, tu écris « Poèmes à vendre » et à côté de ces mots, tu dessines quelques fruits, parce que tu ne te souviens plus de comment nourriture s’écrit.
Et chaque jour, tu vas t’asseoir au même endroit, et tu écris des poèmes pour les gens qui en rêvent encore un peu. Ils sont peu, bien sûr, et la plupart, tu ne les écris que pour toi. Mais il arrive que certains te prennent en pitié, toi, le vieux qui n’a pas grandi, et ils te donnent un bout de pain. Tu vis dans une étrange osmose avec tes rêves, le diable, ta poésie, les personnages dans ton crâne, le syndrome de Peter, les souvenirs que tu as de papa et maman, le bitume. Tout ça se mélange, trop vite parfois. Et quand dans le miroir tu te vois vieillir, tu fermes les yeux pour te convaincre que tu es encore un môme, et que tu as encore l’âge de t’asseoir dans la poussière pour écrire des poèmes. Au fond, toi aussi, tu es peut-être un peu mort en même temps que papa et maman. Une partie de toi, au moins : l’adulte qui créchait au creux de tes tripes. Aujourd’hui encore, tu es l’enfant que tu as été, et l’enfant que tu resteras.
***
Tu ne dors pas vraiment, toi, la nuit. Les autres, ils s'en rendent compte, ils le disent tout haut quand ils te croisent dans les rues dépouillées, aussi bien dépouillées que toi : Hyppolite, il a de drôles de foutues cernes, et toi tu ne les écoutes pas parce que leurs propos manquent d'une délicatesse certaine, celle qui te fait sourire. Tu fais comme si tout allait bien, mais le sourire à tes lèvres n'est que le reflet de ce qui se brouille dans le dedans. Ce n'est pas vraiment que tu vas mal, non. C'est juste que tu ne vas pas très bien. Parfois, tes yeux ont cette idée assez ridicule que de pleurer tout seul quand personne ne leur a rien demandé, et tu mets cela de côté, et tu persistes à tenter de te convaincre de ton équilibre personnel. Ceux d'en dedans t'aident à tenir le coup, bien sûr. Ces jours où tu te sens si mal que ça en est difficilement supportable, tu leur laisses le devant de la scène et tu t'effaces avec talent devant leur élégance subtile. Un talent d'artiste. Ils savent si bien vivre, eux, que de les pousser à rester cachés relèverait d'un sacrilège que tu ne serais capable de cautionner. Ils sont si beaux, ces enfants fous, qu'à te substituer à eux, tu as presque réussi, dans de rares élans de folie, à te convaincre que tu pouvais l'être toi aussi. Amusante constatation lorsque l'on met cela en parallèle avec les moments où ton corps ne te donne rien d'autre que l'envie de régurgiter ton âme. Ton âme, parlons-en. Quand, les yeux fermés, tu tentes de te la représenter, tu ne vois qu'une sorte d'entité un peu terne, tordue, pleine de croûtes. Heureusement, leur âme, aux autres en ton sein, est assez belle pour compenser ce qu'il y a d'hideux en la tienne. Heureusement oui, il te faut au moins ça pour ne pas dépérir. Mais tu t'accroches à des résidus de rêve dans lesquels tu plonges les yeux grands ouverts, avec une délectation que toi seul peux comprendre. Tu es doué, pour cela : comprendre ce que les autres ne peuvent pas même concevoir quant à ce qui te concerne. Un putain de talent de travailleur acharné.
***
Et sur ton épitaphe, tu t'attarderas à tous les remercier. Bardamu, Orphée, Meursault, Eurydice, Monsieur Henri, Bérenger, Caligula, Antigone, Armide, Jef, Emma, Elle. Et puis tous les autres, tous les autres encore.
Oscar et puis ève et puis dix-huit ans et puis c'est tout.
Code:
[i]mathieu amalric + hyppolite de leuze[/i]
Dernière édition par Hyppolite de Leuze le Mer 4 Fév - 21:10, édité 2 fois
Jenna Mars
DATE D'INSCRIPTION : 24/01/2015 MESSAGES : 22
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Mer 4 Fév - 20:14
te voilàààà le titre et puis almaric, c'est original! (je l'ai vu y'a pas longtemps tiens hihi) bienvenue, officiellement
Bobi Dringo
DATE D'INSCRIPTION : 13/11/2014 MESSAGES : 183
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Mer 4 Fév - 20:26
j'ai que ça à dire (et bievenue !!)
Claudie Orensen
DATE D'INSCRIPTION : 29/12/2014 MESSAGES : 103
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Mer 4 Fév - 20:36
bienvenue
Hyppolite de Leuze
DATE D'INSCRIPTION : 04/02/2015 MESSAGES : 7
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Mer 4 Fév - 21:14
Jenna Mars a écrit:
te voilàààà le titre et puis almaric, c'est original! (je l'ai vu y'a pas longtemps tiens hihi) bienvenue, officiellement
le titre allait trop bien pour cracher dessus héhé et Amalric, min dieu, c'mon bébé d'amûr, mon futur mari, l'homme de mes rêves, quoi (où quand comment ?) thanks
Bobi Dringo a écrit:
j'ai que ça à dire (et bievenue !!)
yeah yeah, merci !
Claudie Orensen a écrit:
bienvenue
merci bien !
Mateïs Fox
DATE D'INSCRIPTION : 12/10/2014 MESSAGES : 432
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Jeu 5 Fév - 11:54
c'est trop, trop beau (et almaric était en tournage dans ma ville, j'y ai assisté ) je te valide bien sûr
Max Attac
DATE D'INSCRIPTION : 21/01/2015 MESSAGES : 27
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Jeu 5 Fév - 13:37
oh j'ai pas eut le temps de te souhaiter bienvenue, mais je ne pouvais pas ne pas venir sur cette fiche sublime, avec mathieu amalric en avatar (AMALRIC quoi ! mon acteur français préféré et puis quand il était jeune en plus (la photo vient de "Comment j'ai disputé ma vie sexuelle" de Despleshin, non ? ) je ne peux que saluer ce choix, parce que bref s'il n'avait pas pas cinquante ans et les dents défoncés par la clope, je l'épouserai ce gars (et poète des rues, j'aime trop les poètes des rues... donc je veux absolument un lien)
Hyppolite de Leuze
DATE D'INSCRIPTION : 04/02/2015 MESSAGES : 7
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Ven 6 Fév - 10:14
raaaaah, merde, des amoureuse d'amalric, j'vous aime déjà putassièrement fort du coup ! (par contre, ouais, c'moi qui vais l'épouser, j'vous préviens d'avance)(J'AI MÊME DEJA UNE TOFO AVEC LUI, autant vous dire qu'c'est en bonne voie)(et osef de ses dents jaunes, il a toujours la classe...)
Mateïs : danke ! je m'en va poster ma fiche de liens, pour ensuite pouvoir jouer avec tes bébés (genre quel film ? La Chambre bleue l'année dernière, ou bien le dernier Desplechin, Nos Arcadies ? ** ou autre dont j'ai pas connaissance ?)
Emese : JE T'AIME D'UN FORT AMOUR DU COUP (et ouais, c'est bien Comment je me suis disputé, parce que bon, papy Desplechin avec bébé Amalric, c'est toujours un putain de bonheur quoi !) et pour le lien, avec grand plaisir, ouais
Jenna Mars
DATE D'INSCRIPTION : 24/01/2015 MESSAGES : 22
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse Ven 6 Fév - 11:09
c'est pour le film "Belles Familles" (il est pas encore sorti je crois)
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: comme un éclat de rire vient consoler tristesse